Work in progress — Première étape d’un projet qui prend lentement forme, je réalise une série de photos autour des créations joaillières de la Maison Motché, inspirées de l’histoire précolombienne péruvienne. Engagée pour un luxe responsable qui privilégie l’or recyclé, Motché l’est aussi dans la sauvegarde du patrimoine immatériel péruvien et du savoir-faire d’artisans d’exception.
Ombre et lumière, métal contre peau, lisse associé au rugueux, lignes qui découpent les courbes corporelles… Des contraires qui s’opposent et se complètent dans l’univers symbolique et mythologique des sociétés incas et pré-incas deviennent la trame de créations visuelles encore à l’état d’ébauches.
A suivre…
Merci à Ana Lya @analyamv pour la séance photo et évidemment à Carole Fraresso, alias Dame Motché, fondatrice de @motcheparislima pour sa confiance. Sans oublier Hortense, soutien essentiel.
Vendredi 2 juin, je suis allé au Carreau du Temple, non sans émotion, car la dernière fois que j’avais franchi la porte de ce lieu c’était pour assister au défilé hommage à Alber Elbaz, Love brings love, le 5 octobre 2021. Cette fois-ci, il s’agissait de découvrir Les Nouveaux Luxes, sixième édition d’un événement consacré à un art de vivre responsable et durable, organisé par l’Agence 1.618 Paris.
J’ai flâné dans les allées, discuté avec les créateurs de marques, touché les matières, en laissant l’intuition parler, un brin désinvolte, avec un désir très fort de prendre le temps d’explorer, de ralentir le mouvement… « Slow authentic » pourrait être la baseline de ma nouvelle identité médiatique… Honte à moi, je n’ai assisté qu’à une demi-table ronde, l’ambiance amphithéâtre ne correspondant pas à mon mood du jour. Mais les nombreuses conférences programmées avaient l’air toutes plus intéressantes les unes que les autres.
Les entreprises intègrent des préoccupations sociales et environnementales, chacune à son rythme. Certaines avancent à petits pas, d’autres font le grand saut. Mais pour l’heure, je préfère évoquer mes coups de cœur et passer sous silence les marques qui m’ont laissé dubitatif, même si je salue l’honnêteté de cette créatrice confessant avec un air coupable : « je continue à utiliser du polyester parce que les clientes veulent des vêtements qui ne se froissent pas ». Certes, une étude récente vient de conclure que les fibres textiles naturelles que l’on retrouve dans l’océan ne seraient pas moins nocives pour les huîtres que les fibres textiles synthétiques… Mais une différence de taille existe : les fibres 100 % naturelles sont détruites en quelques semaines ou mois, quand les fibres synthétiques, souvent gorgées de produits chimiques, mettent des dizaines, voire des centaines d’années, à se dégrader. Ouf, le lin naturel de la belle marque Cécance et les créations en jeans upcyclés de l’atelier Céline Dupuis ont toujours une raison d’être !
Je suis un passionné invétéré de matériel photo, et mes séjours parisiens sont toujours l’occasion d’une visite au Boulevard Beaumarchais, pour un lèche-vitrines consciencieux des boutiques spécialisées, à la recherche d’objectifs rares et de matériel vintage autant que de nouveautés high-tech. Leica, au milieu du Boulevard, me vide (trop) souvent les poches… Ne pensez pas que je m’égare en digressant sur ce luxe photographique, car c’est un peu plus en aval de ce fameux Boulevard que l’on trouve le flagship et le showroom de Valentine Gauthier, qui milite à travers sa marque, depuis plus de 15 ans, pour une démarche durable. J’ai eu la chance de la rencontrer sur son stand, prête à discuter de tissus naturels et de sourcing éco-responsable avec conviction et sincérité. Pour l’occasion, elle présentait une collaboration avec les Ateliers de Nîmes, une marque de denim qui se présente comme la seule au monde à utiliser une technique de tissage traditionnelle (utilisation d’un fil retors doublé et torsadé) bénéfique à la fois à l’environnement et à la qualité de ses produits. Jouxtant son stand, celui de Larfeuille présentait les sacs Wrap Clutch et Mini Clutch issus, quant à eux, d’une collaboration entre Jérôme Auriac, fondateur de cette maroquinerie artisanale originale, et Valentine Gauthier.
Quand on aborde le sujet du cuir, mes dents commencent à grincer. Mais Ictyos apaise mes craintes. Le cuir d’Ictyos est en effet marin, la production s’appuie uniquement sur la récupération de peaux destinées à être détruites, et la tannerie lyonnaise de la marque utilise des tanins végétaux (mimosa, châtaigner, quebracho…) « pour minimiser l’impact sur la déforestation ». La palette de couleurs très riche ne peut malheureusement être obtenue que par l’usage de colorants classiques. On ne boudera pas ces belles peaux pour autant, gageant que les trois amis chimistes et ingénieurs (Benjamin Malatrait, Gauthier Lefébure et Emmanuel Fourault), qui ont créé cet univers, iront chercher dans les années qui viennent les pigments biosourcés non polluants issus de procédés innovants encore balbutiants.
Il suffirait de plonger ses mains dans les textiles en alpaga tissés au Pérou de la marque Inata pour être conquis. Mais écouter son fondateur Clément Naudy parler du dégradé lumineux de « ses » fibres, le voir caresser « ses » tissus et s’émerveiller sur la variété de la palette de couleurs, entièrement naturelles, finit de charmer. C’est en toute transparence que nous avons pu évoquer la condition animale, les comportements des éleveurs, les difficultés et les satisfactions qui rythment un projet entièrement tourné vers la qualité des produits comme des relations humaines. Cette franchise est à saluer.
Le magnifique collier de pâtes de la marque JEM (Jewellery Ethically Minded, fondée par Dorothée Contour), créé pour célébrer la fête des mères, avait déjà retenu mon attention. Décalée et gentiment moqueuse, la création n’en était pas moins élégante et tendre.
J’ai appris grâce à la marque que l’orpaillage amorçait une (r)évolution éthique : le standard Fairmined, adopté par JEM, implique que l’or utilisé (et traçable) provient d’organisations minières artisanales pratiquant une activité à petite échelle, dans de bonnes conditions de travail et en réduisant l’usage de produits chimiques (cyanure ou mercure). Certes, il existe un standard encore plus responsable, le standard Ecological Fairmined, qui garantit qu’aucun produit chimique ne soit utilisé dans les procédés d’extraction, mais aucune mine ne semble encore certifiée (le sujet reste à creuser). Si l’usage d’or recyclé évite les problèmes environnementaux, le standard Fairmined permet de contribuer à l’évolution du secteur minier, ce qui n’est pas négligeable. Les diamants de JEM sont, quant à eux, des diamants de culture, un terme bien plus adapté que « diamant de synthèse » car ces pierres précieuses sont en tous points identiques à celles que l’on trouve dans la nature et ne sont en aucun cas « synthétiques » : elles naissent en environnement contrôlé selon les mêmes principes physico-chimiques que sous terre. Le premier avantage de ces pierres précieuses cultivées est de supprimer les impacts environnementaux de l’extraction minière. Le second est encore bien plus marquant : il s’oppose au travail forcé, au travail des enfants et au financement de certains conflits armés.
Malgré les pollens et les graminées qui ont la fâcheuse habitude de me boucher le nez au printemps, c’est au plaisir olfactif que je me suis abandonné avec Nout et ses parfums à la fois subtils, amples et audacieux. Epicés, floraux ou hespéridés, les jus créés par Laure Jacquet (qu’elle me pardonne mon vocabulaire étriqué pour parler de ses créations si riches) sont des invitations au voyage et à l’expression des sens. Le choix de la fondatrice Laurence Lecoq est clair : fabriqués en France, les parfums sont 100 % d’origine naturelle, sans perturbateurs endocriniens, ni parfums de synthèse, vegan et cruelty free ; les flacons sont en verre blanc facilement recyclable ; le capot est en bois issu de forêts françaises certifiées, le pochon est en coton non blanchi et bio, les étiquettes sont imprimées sur du papier 100 % biodégradable… Qui dit mieux ?
Enfin, un coup de cœur spécial pour le studio Quiproquo et son Refuge, une ruche design adaptée aux abeilles mellifères sauvages, conçue pour être un abri sans récolte de miel. Car la nature, il faut savoir lui foutre la paix.
L’événement Les Nouveaux Luxes se voulait un « un lieu de rencontres, d’inspirations, d’expériences et de prises de conscience ». Bien qu’étant habituellement réfractaire aux salons, je dois reconnaître le plaisir que j’ai pris à parcourir cet espace éco-conçu et à découvrir les initiatives variées, enrichissant ma réflexion en cours sur les engagements durables de marques qui ont aussi des exigences esthétiques. Merci à l’Agence 1.618 Paris pour cette initiative de qualité.
La Fashion Revolution Week (FRW) est une campagne annuelle organisée par Fashion Revolution, une organisation internationale fondée par Carry Somers et Orsola de Castro à la suite de la catastrophe de Rana Plaza, le 24 avril 2013 à Dacca au Bengladesh. Pour rappel, 1 130 personnes sont mortes dans l’effondrement de ce bâtiment qui abritait des ateliers de confection travaillant pour diverses grandes marques occidentales. Le rêve des membres de ce grand mouvement d’activisme est de mettre fin aux impacts environnementaux et sociaux de l’industrie textile dans le monde, de trouver des solutions durables, de combattre les injustices et de valoriser les gens avant la croissance et les profits.
Vaste programme dont le collectif UAMEP, Une Autre Mode Est Possible, et Fashion Revolution France font activement la promotion en France. Ce 22 avril 2023, ils organisaient le Défilé des Autres Modes, célébrant par la même occasion le Jour de la terre (#earthday), avec la complicité des Canaux, une association parisienne qui forme et accompagne les acteurs économiques engagés pour la solidarité et la planète, et qui avait ouvert sa demeure aux créateurs, designers, mannequins et autres artistes étant venus prêter main forte.
Ma manière de participer à la réflexion sur les alternatives possibles à la fast fashion et de promouvoir les initiatives responsables a été de me faufiler dans les coulisses de l’événement pour ressentir l’atmosphère de cette autre mode et rencontrer les actrices (majoritaires) et les acteurs de jeunes marques soucieuses d’environnement et de respect humain. Dans une joyeuse ambiance où le stress ne fut jamais surjoué, première grande différence avec les défilés que je connais, pros et amateurs accordèrent leurs violons avec sérieux mais bonne humeur, et suivirent leur partition sans couac majeur sous le regard bienveillant d’Arielle Lévy, fondatrice de l’UAMEP.
Une autre mode est-elle possible ? Il semblerait que oui, et malgré les difficultés rencontrées par les jeunes créateurs, je peux affirmer que cette mode éthique est ardemment souhaitée par ces passionné.e.s qui n’ont pas les deux pieds dans le même sabot. Le vêtement est affaire de culture, il a toujours été associé à l’expression des identités, que ce soit dans le choix d’un style individuel, l’adhésion à un groupe social ou la revendication d’une appartenance à une culture. A cet égard, les mouvements pour une mode responsable sont au confluent de la création artistique, de l’artisanat, de l’innovation et du militantisme, avec des réponses très variées, qui vont de l’upcycling (créer du neuf avec du vieux) à l’utilisation exclusive de produits naturels (laine, coton, lin…), en passant par la recherche de matières innovantes comme la fibre végétale d’ananas, de pétales de roses ou de soja bio.